Tout était blanc et froid. Dix bons centimètres

Tout était blanc et froid. Dix bons centimètres de neige avaient déjà semé la panique dans les rues de Lyon en quelques heures. Alors que le train, en retard, quittait la ville dans la nuit, les feux blancs et rouges des voitures, immobiles, formaient d’interminables serpents s’étendant à l’infini. Une ville quasiment figée par les silencieux caprices de la météo.

La TGV filait dans la nuit en direction du nord, de Paris et, plus loin, beaucoup plus loin, d’Haïti. En quelques minutes, j’avais dis « oui ». Et, quatre jours plus tard, je visitais en coup de vent le siège de l’ONG pour une salve rodée et bien minutée de briefings opérationnels et administratifs.

Destination, donc, cette île malmenée depuis des siècles au chevet de laquelle quelques milliers d’ONG se pressent aujourd’hui, nouvelle colonisation qui irrite de plus en plus ses fiers habitants dont les ancêtres révoltés ont conquis leur liberté, puis leur indépendance, les armes à la main.

Thématique de la mission : proposer une adaptation des programmes de l’ONG en fonction de la dernière catastrophe en vigueur, l’apparition du choléra, éradiqué depuis plusieurs dizaines d’années et de retour, à présent, dans un contexte de dénuements et de désorganisations majeurs.

Durée de la mission, quatre semaines.

Au-delà de ces données de base assez générales, on peut en convenir, commence le flou et la zone grise de l’adaptabilité. A l’image des termes de référence accompagnant mon contrat. Cinq petits tirets succins dont le premier résume l’inconnu qui m’attend : « définir les termes de référence de la mission », telle sera ma première tâche en arrivant sur place !

Sur place… 70 expatriés… 500 employés nationaux… cinq zones d’intervention… près de 9 millions d’euros de budget… la plus grosse mission de l’ONG de toute son histoire !

Sur place… un pays en crise entre deux tours d’une élection présidentielle tendue et peu transparente, à la sécurité cahotante.

Sur place… une population qui semble rejeter de plus en plus ceux qui viennent de l’étranger, ceux qui viennent avec le chaos, ceux, qui, peut-être, participent au chaos. Une population qui semble riche de sa culture bariolée, métissée, et qui aime à la proclamer, partager.

Le train file dans la nuit où la neige s’accroche.

Demain sera une parenthèse de bleu avant le vert d’une forêt tropicale et le jaune des plages des Caraïbes, avant la rencontre avec un peuple noir qui se demandera bien ce que je vais pouvoir apporter de plus au désordre ambiant.